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Le plafond d’indemnisation du « barème Macron » définitivement validé


Cass.soc. 11 mai 2022, n°21-14.490 et n°21-15.247

 

En bref :


Par deux décisions du 11 mai 2022, la Chambre Sociale de la Cour de cassation a validé le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse dit « barème Macron » et a clos le débat judiciaire sur sa conformité aux textes internationaux. 

 

Rappel historique :


Introduit par une ordonnance du 22 septembre 2017 dite « ordonnance Macron », ce barème fixe un plancher et un plafond d’indemnisation en fonction de l’ancienneté du salarié dans le cas d’un licenciement jugé abusif.


Depuis son introduction, cette mesure a suscité de véritables contestations car elle est venue limiter drastiquement les montants pouvant être alloués par les juridictions, dissuadant ainsi certains salariés de contester judiciairement leur licenciement, et sécurisant les employeurs dans leur volonté de rupture puisque moins exposés à des risques exponentiels de condamnation. 


Certains Conseils de prud’hommes, puis Cours d’appel ont donc continué, en violation du barème, d’appliquer des montants d’indemnisation individualisés à la situation du salarié injustement licencié (V. par ex. CPH Troyes, 13 décembre 2018, n°18/00418 ; CA Reims, 25 septembre 2019, n°19/00003 ; CA Grenoble, 30 septembre 2021, n° RG 20/02512).


Malgré les avis rendus par la Cour de cassation le 17 juillet 2019 (Cass., ass. plén., avis, 17 juillet 2019, n°15012 et n°15013) selon lesquels le barème d’indemnités était conforme à la Convention 158 de l’OIT, les frondes se sont poursuivies dans certains Tribunaux.


La Cour de cassation a (enfin) mis fin à cette controverse et cette résistance des juridictions de fond (notamment dictées par les engagements internationaux de la France) par deux arrêts du 11 mai 2022 en confirmant la position qu’elle avait adoptée dans son avis (Cass.soc. 11 mai 2022, n°21-14.490 et n°21-15.247).

 

L’analyse des décisions de la Cour de cassation : 


Par ces deux arrêts largement publiés, la Cour de cassation a jugé que :

 

  • Le barème est compatible avec l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) (i) ;
  • Les juges ne peuvent l’écarter par l’intermédiaire d’un contrôle de conventionnalité « in concreto » (ii) ;
  • L’article 24 de la Charte sociale européenne n’ayant pas d’effet direct, les salariés ne peuvent s’en prévaloir (iii).

 

(i)    La conformité à la Convention n°158 de l’OIT


Pour faire écarter l’application du barème, les salariés contestaient sa conformité avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, lequel prévoit qu’en cas de licenciement injustifié, les juges doivent rester libres de prescrire le versement d’une indemnité « adéquate » au préjudice subi.  


Selon eux, l’indemnité légale prévue ne correspondait pas à l’indemnité « adéquate » à laquelle ils auraient pu prétendre.


Au terme d’un raisonnement détaillé, la Cour a jugé que le barème indemnitaire permettait le versement d’une indemnité adéquate, ou d’une réparation considérée comme appropriée, au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT. 


En effet, elle a considéré que le droit français permettait bien : 

 

  • Le versement d’une indemnité suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement sans cause réelle et sérieuse

A ce titre, la Haute Cour a considéré que le mécanisme de remboursement par l’employeur des allocations chômage en cas de licenciement injustifié tendait « à dissuader l’employeur de licencier sans cause réelle et sérieuse », de même que la possibilité d’octroyer au salarié le bénéfice d’une indemnité dont le montant est déterminé par le barème en cause. 

 

  • Une indemnisation raisonnable du licenciement injustifié

A ce titre, la Cour de cassation a rappelé que le montant de l’indemnisation issu du barème est gradué en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié, mais également de la gravité de la faute commise par l’employeur dans la mesure où le barème n’a pas vocation à s’appliquer aux licenciements nuls.

 

(ii)    Rejet du contrôle de conventionnalité « in concreto »


Certains juges avaient pris la liberté d’user de ce contrôle dit « in concreto » pour ne pas appliquer le barème lorsqu’ils estimaient que l’indemnité à laquelle pouvait prétendre le salarié n’était pas « adéquate » au regard des circonstances de l’espèce. 


La Cour de cassation a exclu ce contrôle au double motif que celui-ci :

 

  • Créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges ;
  • Porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi, garanti à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789.


La Cour de cassation fait ainsi primer la sécurité juridique, et épargne au justiciable les nombreuses incertitudes qui auraient pu résulter d’un contrôle juridictionnel au cas par cas.

 

(iii)    Pas d’effet direct pour l’article 24 de la Charte Sociale Européenne


Les salariés contestaient également la conformité du barème à l’article 24 de la Charte sociale européenne lequel prévoit également le droit pour le salarié injustement licencié d’obtenir une indemnité « adéquate ».


Comme l’avait déjà retenu l’Assemblée Plénière dans son avis de 2019, la Chambre sociale conclut à sa non-invocabilité par les particuliers devant les juges nationaux. Le respect du contrôle de ces dispositions étant réservé au Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS). 


Impossible, donc, de soutenir l’inconventionnalité du barème sur le fondement de l’article 24 de la Charte sociale européenne. 

 

Est-il encore possible de contourner l’application du barème ?


Les plaideurs « salariés » ne pourront désormais plus s’appuyer sur l’argumentation tirée de l’inconventionnalité du barème au regard de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT ou de l’article 24 de la Charte sociale européenne, si bien qu’il sera difficile d’obtenir la mise à l’écart du barème.


Le moyen permettant de contourner l’application totale du barème est désormais de solliciter la nullité du licenciement tirée de la violation d’une liberté fondamentale (discrimination, harcèlement …). Dans cette hypothèse, le juge alloue au salarié une somme, non plafonnée, au moins égale aux salaires des six derniers mois (Article L. 1235-3-1 du Code du travail).


Vigilance néanmoins, car les motifs de nullité sont strictement encadrés par les textes et ne peuvent être invoqués dans tous les dossiers !


L’autre moyen permettant d’obtenir une indemnité au plus proche du préjudice individuel du salarié, sans toutefois écarter totalement le barème, est de solliciter des dommages et intérêts complémentaires comme par exemple en cas de rupture brutale et vexatoire du contrat de travail, manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur, préjudice moral ou encore exécution déloyale du contrat de travail. 

 

Quelles suites donner à ces décisions ?


Sauf ultime résistance de la part des Tribunaux, ces décisions mettent un terme au débat judiciaire relatif à la conventionnalité du « barème Macron ». 


Ces décisions sont heureuses pour les employeurs puisque cette sécurité juridique leur permettra de mieux envisager les risques financiers d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.


Mais elles sont également regrettables pour les salariés qui ne pourront plus voir leur préjudice apprécié individuellement par les juridictions, et verront leur montant d’indemnisation nécessairement limités.


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