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Prêts immobiliers libellés en devise étrangère : il est encore temps d’agir ! Cass, 1ère Chambre civile, 12 juillet 2023, n°22-17.030


Quelle était la situation en cause ?

 

Le 30 septembre 1999, un emprunteur qui percevait ses revenus en francs (puis en euros) a souscrit auprès du Crédit mutuel un prêt immobilier in fine indexé sur le LIBOR Francs Suisses 3 mois pour l’acquisition d’un appartement.

La dépréciation de l’euros par rapport au francs suisse a entraîné une forte augmentation du capital emprunté si bien qu’il n’a pas été en mesure de le rembourser à l’échéance.

Le 6 novembre 2014, l’emprunteur a donc fait assigner la banque aux fins notamment de faire constater le caractère abusif des clauses du contrat de prêt relatives au risque de change.

L’emprunteur soutenait notamment que ces clauses n’étaient ni claires, ni compréhensibles et qu’elles n’avaient pas permis de l’informer utilement du risque de change qui pesait sur lui.

Le but étant d’obtenir l’annulation du contrat de prêt et la restitution des sommes versées depuis l’origine.

En défense, la banque faisait notamment valoir que son action en restitution était prescrite.

La Cour d’appel de PARIS a donné gain de cause à l’emprunteur, tout comme la Cour de cassation.

 

 

Que faut il retenir ?

 

Cette décision est particulièrement favorable aux nombreux emprunteurs ayant souscrit, tout comme dans l’affaire commentée, des prêts en francs suisses qui se sont révélés particulièrement préjudiciables du fait de la forte dépréciation de l’euro par rapport à la monnaie suisse.

Pour rappel, ces prêts avaient été largement commercialisés par certaines banques telles que la BNP, le Crédit agricole ou encore le Crédit mutuel dans les années 2000.

Les emprunteurs lésés par ce type de contrat peuvent introduire une action en justice aux fins, notamment, de faire constater le caractère abusif des clauses du contrat relatives au risque de change lorsqu’elles ne sont pas rédigées de façon claire et compréhensible.

En effet, la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) et la Cour de cassation ont développé ces dernières années une jurisprudence favorable aux emprunteurs.

 

D’abord en exigeant du prêteur qu’il délivre à l’emprunteur une information suffisante de nature à lui faire prendre conscience du risque qu’il encourt :

« 10. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs doit être interprété en ce sens que, lorsqu'il s'agit d'un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l'exigence de transparence des clauses de ce contrat qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l'euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l'emprunteur, est satisfaite lorsque le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat (point 78).

11. Pour rejeter les demandes formées par les emprunteurs au titre du caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt, l'arrêt retient que ces clauses définissent l'objet principal de ces contrats et sont claires et compréhensibles dès lors qu'elles précisent, en des termes intelligibles, les modalités de l'amortissement de ces deux prêts avec conversion de la somme due en euros selon un taux de change, que les emprunteurs ont reçu une information au moyen d'un document signé le 1er février 2008 dans lequel la banque appelait leur attention sur les points particuliers de cette convention et notamment sur les risques d'évolution d'un capital placé sur un support spéculatif et les risques de change liés au cours du franc suisse, et qu'ils étaient en capacité d'apprécier la nature et la portée de leurs engagements et de mesurer les risques encourus en cas de dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse ainsi que les conséquences induites sur leurs obligations financières.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la banque avait fourni aux emprunteurs des informations suffisantes et exactes leur permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d'évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur leurs obligations financières pendant toute la durée du contrat, dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle ils percevaient leurs revenus par rapport à la monnaie de compte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (…) » (Cass, civ. 1ère., 07-09-2022, n°21-15.299 ; CJUE., 10-06-2021, 2021, C-776/19 à C-782/19).

 

Ensuite en jugeant que l’action en constatation des clauses abusives est imprescriptible.

« (…) 6. Par arrêt du 10 juin 2021 (C-776/19 à C-782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

7. Il s'en déduit que la demande tendant à voir réputer non écrite une clause abusive sur le fondement de l'article L. 132-1 précité n'est pas soumise à la prescription quinquennale (…) (Cass, civ. 1ère., 30 mars 2022, n°19-17.996 ; Cass, civ. 1ère., 20 avril 2022, n°19-12.947).

 

Enfin, par son arrêt du 12 juillet 2023, la Cour de cassation vient encore renforcer la protection de l’emprunteur lésé. En synthèse, la Haute juridiction vient ici utilement préciser :

 

D’une part, que l’action en restitution des sommes versées par l’emprunteur se prescrit par cinq ans à compter de la date de la décision de justice constatant le caractère abusif desdites clauses ;

 

D’autre part, que la sanction doit conduire à replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la conclusion du contrat à savoir :

 

  • L’emprunteur doit être condamné à restituer à la banque la contrevaleur en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, de la somme prêtée ;

 

  • La banque doit restituer à l’emprunteur toutes les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contrevaleur en euros de chacune des sommes selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.

 

  • La compensation entre ces sommes doit être ordonnée.

 

En conclusion, pour les investisseurs lésés ayant souscrit ce type de contrat, il est encore temps d’agir, même pour des contrats anciens !

Le Cabinet DESBOS BAROU se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.


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