Peut-on travailler pendant un arrêt maladie ? (Cass.soc. 25 juin 2025, n°24-16.172)

Quels sont les faits de cet arrêt ?
Cette décision concerne un salarié, dit « agent », de la société X que notre Cabinet a représenté.
En 2016, alors que son agent se trouvait en arrêt de travail pour maladie, la société a incidemment appris qu’il exerçait une activité en parallèle pour le compte d’une autre société.
Au vu de ces faits graves constitutifs d’une violation des dispositions de l'article 22 du Statut National, la société X a mis en œuvre la procédure conventionnelle applicable en matière disciplinaire prévue par la circulaire PERS 846 et a, in fine, notifié au salarié sa mise à la retraite d’office, équivalent à un licenciement pour faute grave.
A l’instar du juge prud’homal et de la Cour d’appel qui l’ont débouté de l’intégralité de ses demandes, la Cour de cassation a considéré que le salarié avait commis un manquement suffisamment grave justifiant le licenciement, et ce, sans qu’il soit nécessaire de démontrer la réalité du dommage pour l’entreprise.
Quelle analyse a retenu la Cour de cassation ?
Le requérant avançait deux grandes critiques dont la première n’a que peu d’intérêt dans le cadre du présent article.
La deuxième concernait l’absence de caractérisation de faute grave. A ce titre, il reconnaissait avoir travaillé pendant son arrêt maladie mais soutenait que cela ne constituait pas nécessairement une violation de son obligation de loyauté, que le cumul des indemnités journalières de sécurité sociale avec le maintien de sa rémunération n’était pas non plus fautif, surtout puisqu’il s’agissait d’une société non concurrente et qu’aucun préjudice direct pour la société X n’était rapporté.
La Cour de cassation n’a cependant pas suivi ce raisonnement dès lors qu’elle a estimé, sur le fondement du statut des Industries Electriques et Gazières (IEG), que le fait que le salarié ait effectué huit prestations rémunérées pendant son arrêt maladie caractérisait bien une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice concret pour l’employeur.
Quel est l’état actuel de la jurisprudence ?
En principe, lorsque le contrat de travail est suspendu pour arrêt de travail, l’employeur conserve son pouvoir disciplinaire en cas de manquement du salarié à son obligation de loyauté.
Cependant, de façon constante, et au grand désespoir des employeurs, la Haute Juridiction considère que l’exercice par le salarié d’une activité pendant un arrêt de travail ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté.
D’ordinaire, pour justifier un licenciement, l’activité exercée doit être concurrentielle, rémunérée, et/ou avoir causé un préjudice à l’entreprise.
Pourquoi une solution différente dans le cas de la Société X ?
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a jugé qu’il n’était pas nécessaire de démontrer l’existence d’un dommage pour la Société.
Cette différence d’appréciation s’explique par le statut particulier applicable aux salariés des Industries Electriques et Gazières (IEG).
En effet, leurs relations de travail ne relèvent pas uniquement du Code du travail mais aussi, et surtout, du Statut national du personnel des IEG, complété par des circulaires (notamment la PERS 846) et des notes internes.
Ce statut, approuvé par décret du 22 juin 1946 a valeur réglementaire, ce qui lui confère donc une valeur supérieure.
Il s’explique aussi par la situation particulière de ces agents, assimilés à une catégorie hybride proche de celle des fonctionnaires, à qui il est interdit d’exercer une autre activité professionnelle.
Il prévoit expressément qu’un salarié en arrêt maladie ne peut exercer aucune activité professionnelle rémunérée. Le non-respect de cette règle entraîne automatiquement des sanctions disciplinaires, indépendamment de l’existence d’un préjudice pour l’entreprise.
Que faut-il retenir ?
La prudence reste de mise dans le cadre d’une entreprise « classique » sans statut particulier avant de sanctionner un salarié qui exerce une activité professionnelle pendant un arrêt maladie qui n’est pas concurrentielle et rémunérée, ou qui n’entraine pas un préjudice démontré.
Cet arrêt doit donc être interprété avec prudence, car il s’applique en l'espèce dans le cadre de dispositions statutaires particulières de nature réglementaire posant des règles plus strictes.