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La présomption légale de démission en cas d’abandon de poste


La loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relative au fonctionnement du marché du travail a institué une présomption de démission en cas d’abandon de poste.


Un décret en Conseil d'État (à paraître) doit préciser les modalités d'application de ces nouvelles dispositions.


Cette présomption permet désormais aux employeurs de considérer que les salariés en situation d’abandon de poste volontaire sont démissionnaires. Dès lors, ces derniers ne pourront plus bénéficier de l’assurance chômage au motif qu’ils auraient été privés involontairement de leur emploi.

 

Quel est l’état du droit antérieur à la réforme ? 


Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la démission ne se présume pas et suppose l’existence d’une manifestation claire et non équivoque de la part du salarié, un abandon de poste ne permettant pas de caractériser une démission. 


Aussi, l’employeur, confronté à une absence injustifiée de son salarié et souhaitant mettre un terme au contrat de travail, devait alors mettre le salarié en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence dans un délai donné puis, en l’absence de justification, prononcer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave (V. par ex. Cass.soc. 12 février 2016, n°14-15.016).


Le salarié licencié, même pour faute grave, avait alors le droit au versement de l’allocation d’assurance chômage. 

 

Quel est l’objet de la réforme ?


Selon les rapporteurs du projet de loi, les objectifs poursuivis par cette nouvelle mesure sont :


-  D’une part, de limiter les perturbations engendrées par les abandons de poste dans les entreprises ;

- D’autre part, de permettre l’application des règles d’indemnisation du chômage prévues en cas de démission aux salariés abandonnant leur poste. En effet, selon les rapporteurs, « il n’est pas souhaitable qu’un salarié licencié à l’issue d’un abandon de poste dispose d’une situation plus favorable en matière d’assurance chômage qu’un salarié qui démissionne et qui n’est pas indemnisé ».


C’est ainsi qu’un nouvel article L. 1237-1-1 a été inséré dans le Code du travail, lequel dispose que : 


« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.


Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. 


Le délai prévu au premier alinéa ne peut être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d’Etat. Ce décret détermine les modalités d’application du présent article. »


Ainsi, le salarié qui cesse d’exécuter son travail et qui, malgré une mise en demeure de son employeur, persiste à ne pas justifier de son absence, est présumé démissionnaire. 


Ce nouveau mode de rupture du contrat de travail ne concerne que les contrats à durée indéterminée.

 

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de la présomption ?


Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la présomption de démission trouve à s’appliquer :

 

  • L’abandon de poste doit être « volontaire »

L’application de cette présomption de démission est subordonnée au caractère volontaire de l’abandon du poste du salarié, sans pour autant que le nouvel article du Code du travail ne précise ce qu’il convient d’entendre par « volontaire ».


Lors des débats parlementaires, il avait été évoqué le fait que la qualification d’abandon de poste ne puisse par exemple s’appliquer aux salariés contraints de quitter leur poste de travail pour des motifs de santé ou de sécurité.


De même dans l’hypothèse de l’exercice d’un droit de retrait, du droit de grève, du refus d’exécution d’une instruction de la hiérarchie contraire à la règlementation ou encore en cas de refus d’une modification unilatérale du contrat de travail.


Plus généralement, l’application de la présomption devrait également être écartée chaque fois que le salarié prétend donner une explication quelconque à son absence autre que la volonté de quitter son emploi. 


Dans ces hypothèses, c’est le droit du licenciement qui devrait être mis en œuvre. 


L’enjeu est ainsi important pour les employeurs qui devront être particulièrement vigilants dans la mise en œuvre de ce dispositif, notamment dans certaines situations où :


-    L’employeur n’aurait pas nécessairement tous les éléments en sa possession pour apprécier le caractère volontaire de l’absence non autorisée du salarié ;
-    Dans l’hypothèse où le salarié invoquerait un manquement de son employeur de nature à légitimer son absence à son poste.

 

  • Une mise en demeure non suivie d’une justification ou d’une reprise du travail


La mise en œuvre de la présomption de démission suppose que l’employeur mette préalablement en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste. 


La lettre de mise en demeure doit être adressée au salarié par courrier recommandé avec accusé de réception ou par remise en main propre (ce qui est peu vraisemblable en cas d’abandon de poste). 


L’employeur doit fixer le délai imparti au salarié pour justifier son absence ou reprendre son travail, lequel ne pourra être inférieur à une durée minimale fixée par décret en Conseil d’Etat qui n’est pas encore paru à ce jour. 

 

Quels sont les effets de la présomption ?


Si le salarié justifie d’un motif légitime pendant le délai qui lui est imparti, notamment pour l’une des raisons évoquées précédemment, l’employeur ne pourra plus présumer le salarié comme étant démissionnaire.


À l’inverse, à défaut de régularisation de sa situation dans le délai fixé, le salarié sera présumé démissionnaire à l’expiration de celui-ci. En d’autres termes, la date d’expiration de ce délai constituera la date de rupture effective du contrat de travail.


Toutefois, un préavis devra en principe s’appliquer (Article L. 1237-7 du Code du travail). Il conviendra donc d’attendre la fin du préavis pour adresser au salarié ses documents de fin de contrat. 


Il existe cependant une incertitude si le salarié venait à justifier de ses absences pendant la durée du préavis. Dans ce cas, la question se pose de savoir si une telle justification serait de nature à remettre en cause la présomption. 

 

Quelles sont les modalités de contestation possibles ?


Le salarié qui entend contester la rupture de son contrat de travail prononcé sur le fondement de cette présomption de démission devra saisir le Bureau de Jugement du Conseil de Prud’hommes (sans passage préalable devant le bureau de conciliation), lequel statuera à bref délai (un mois) sur la nature de la rupture et ses conséquences. 


On notera qu’il s’agit d’une présomption simple, laquelle peut ainsi être renversée par une preuve contraire. En principe, le salarié pourra ainsi rapporter la preuve que son absence est légitime.

 

Néanmoins, les contours de ce renversement de présomption devront également être précisés. 


Dans le cas où le juge considèrerait que la démission du salarié serait involontaire ou résulterait de manquements avérés de l’employeur, celle-ci devrait être requalifiée et produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le salarié serait alors éligible aux indemnités versées par l’assurance chômage.  

 

Pour conclure


Cette nouvelle mesure pourrait être de nature à limiter les perturbations générées par cette pratique.


Elle pourrait néanmoins, dans certaines circonstances, poser un certain nombre de questions et être source d’insécurité juridique pour l’employeur.


En effet :


-    Aucun critère précis et objectif n’est défini pour caractériser un abandon de poste (durée et répétition de l’absence) ;
-    Il appartiendra au juge de préciser notamment les cas dans lesquelles la démission sera considérée comme contrainte, lorsque cela sera invoqué par le salarié ;
-    Si la démission du salarié était jugée contrainte ou involontaire, l’employeur pourrait être condamné, au-delà des indemnités de rupture, à réparer le préjudice qui résulterait de la privation de l’allocation d’aide au retour à l’emploi sur la période considérée.


Les employeurs sont donc invités à être prudents dans la mise en œuvre du dispositif et à veiller à s’assurer du caractère volontaire de l’abandon de poste.


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