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L’étranger en situation d’emploi illicite : Cass.soc. 23 novembre 2022, n°21-12.125


Selon cet arrêt récent rendu par la Cour de cassation, l’employeur qui notifie à un salarié étranger en situation d’emploi illicite son licenciement pour défaut de titre de séjour, sans invoquer de faute grave à l’appui de ce licenciement, est redevable à l’égard de l’intéressé du salaire échu pour toute la période de mise à pied conservatoire antérieure à la rupture du contrat de travail.


Après avoir rappelé les principes applicables en matière d’emploi des salariés étrangers, nous analyserons le raisonnement suivi par la Haute Juridiction dans cette décision.

 

Quels sont les principes applicables en matière d’emploi des salariés étrangers ?


Contrairement aux citoyens ressortissants d’un pays de l’Union Européenne qui bénéficient de la liberté de circulation et de travail à l’intérieur des pays de l’Union, les conditions d’embauche des salariés non ressortissants de l’UE sont beaucoup plus complexes.


En effet, leur embauche nécessite impérativement la délivrance d’une autorisation de travail préalable.
A défaut, l’employeur qui décide d’embaucher ou de conserver à son service un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France se place dans une situation de travail illégal et s’expose à des sanctions pénales et administratives (Articles L. 8256-2 à L. 8256-8 du Code du travail). 


Ainsi, par application de ce texte, l’employeur d’un travailleur en situation irrégulière doit mettre fin à la relation de travail.


A ce titre, et depuis un arrêt du 4 juillet 2012, la Cour de cassation considère que « l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail » (Cass.soc. 4 juillet 2012, n°11-18.840).


Il en résulte que pour l’employeur, seule la voie du licenciement est ouverte.


Trois hypothèses doivent cependant être distinguées :


-    La rupture du contrat est consécutive à la perte du titre autorisant le salarié à travailler :


Lorsqu’un salarié bénéficiait d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée qui n’est pas renouvelé, la rupture du contrat de travail s’impose à l’employeur par application de l’article L. 8251-1 du Code du travail précité. 


Aussi, le licenciement fondé sur la perte de l’autorisation de travail est un licenciement « sui generis » ayant une cause réelle et sérieuse. Il ne s’agit en effet ni d’un licenciement pour motif personnel, ni d’un licenciement pour motif économique, mais dispose d’une cause objective fondée sur la perte de l’autorisation de travail (Cass.soc. 4 juillet 2012, n°11-18.840 précité).


Dans cette situation, le salarié ne peut pas prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis (Cass.soc. 14 octobre 1997, n°94-42.604).


-    La rupture du contrat est consécutive à la situation irrégulière du salarié depuis le début de la relation de travail :


Ici encore, l’irrégularité de la situation du travailleur qui ne dispose pas d’une autorisation de travail constitue une cause objective et autonome justifiant la rupture du contrat de travail.


Néanmoins, dans cette hypothèse, et contrairement à la première, le salarié irrégulièrement engagé depuis le début de la relation est assimilé à un salarié régulièrement engagé au regard de certaines obligations de l’employeur (Article L. 8252-1 du Code du travail).


A ce titre, et en application de l’article L. 8252-2 du Code du travail, le salarié étranger a le droit, au titre de la période d’emploi illicite, au paiement du salaire et de ses accessoires, à une indemnité forfaitaire égale à 3 mois de salaire, ainsi qu’à une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé égale à 6 mois de salaire aux lieu et place des sommes allouées au titre de la rupture du contrat de travail et aux rappels de salaire pour la période d’embauche si ces sommes représentent un montant moins favorable que l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.


Le salarié peut également demander en justice une indemnisation supplémentaire s’il est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice distinct.


-    La rupture du contrat de travail est liée à un autre motif que le défaut d’autorisation de travail :


L’employeur qui invoque dans la lettre de rupture un autre motif que le défaut d’autorisation de travail est privé de la possibilité de revendiquer l’application des règles spécifiques en cas de défaut d’autorisation de travail.


Ainsi, lorsque la lettre de licenciement invoque par exemple une faute grave, les règles de procédure, l’examen de la régularité du licenciement – et donc de la faute grave – ainsi que les règles d’indemnisation sont celles du droit commun.


A ce titre, on rappellera que pour la Cour de cassation, l’absence d’autorisation de travail ne constitue pas, en soi, une faute grave, sauf hypothèse où le salarié a par exemple dissimulé sa situation administrative ou falsifié un titre (Cass.soc. 18 février 2014).

 

Quels sont les faits à l’origine de cette décision ?


Un salarié a été engagé en qualité de veilleur de nuit, d’abord par contrat de travail à durée déterminée, puis par contrat de travail à durée indéterminée en date du 16 juillet 2012.


Constatant que le salarié était en situation irrégulière, l’employeur l’a mis en demeure de produire son titre de séjour valable l’autorisant à travailler. 


L’intéressé n’étant manifestement pas pourvu d’un tel titre, l’employeur l’a mis à pied à titre conservatoire.


Il le convoquait ensuite le 23 avril 2014 à un entretien préalable en vue d’un licenciement, puis le licenciait par lettre du 14 mai 2014 pour défaut de titre de séjour.


Suite à la rupture de son contrat, le salarié décidait de saisir la juridiction prud’homale aux fins de solliciter des rappels de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire ainsi que la remise de ses documents sociaux. 


Le demandeur était débouté de ses demandes par la Cour d’Appel de Paris, qui estimait que le salarié ne pouvait pas travailler compte tenu de sa situation irrégulière.


Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation.

 

Quelle est l’analyse de la Cour de cassation ?


La Haute Juridiction commence par rappeler sa jurisprudence selon laquelle l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture du contrat de travail. Cette cause objective écarte l’application des dispositions relatives au licenciement et ne constitue pas, en elle-même, une faute grave. 


Elle rappelle ensuite que seule une faute grave peut justifier une mise à pied conservatoire et le non-paiement du salaire pendant cette période.


En l’espèce, la Cour de cassation relève que l’employeur n’a pas invoqué de faute grave à l’appui du licenciement, mais s’est appuyé sur l’irrégularité de la situation du travailleur étranger en tant que cause objective justifiant la rupture du contrat de travail.


Il ne pouvait donc pas, dans le même temps, justifier le bienfondé d’une mise à pied conservatoire au titre d’une prétendue faute grave pour refuser le versement des salaires au cours de cette période.


Aussi, le salarié ayant été engagé dès le début en situation irrégulière, il avait donc le droit au paiement de ses salaires pour la période de mise à pied conservatoire antérieure à la rupture du contrat, conformément à l’article L. 8252-2 du Code du travail.


Or, en se contentant de faire référence à l’irrégularité de la situation, l’employeur n’invoquait aucune faute grave à l’appui du licenciement mais uniquement une cause objective. 


Dans ces conditions, il fallait appliquer pleinement l’article L. 8252-2 du Code du travail, lequel impose notamment le paiement du salaire au titre de la période d’emploi illicite.

 

***


Il résulte de cette jurisprudence que l’employeur doit être vigilant sur les motifs invoqués à l’appui du licenciement d’un salarié étranger en situation irrégulière : 


-    Soit il invoque la cause objective constituée par l’irrégularité de la situation du travailleur, ce qui exclut l’application des règles relatives au licenciement, mais suppose l’application des dispositions de l’article L. 8252-2 du Code du travail ;


-    Soit il est en capacité de justifier une faute grave et il peut mettre en œuvre la procédure de licenciement de droit commun.


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