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Quelles preuves sont acceptables en matière prud'homale ?


A l’ère des réseaux sociaux, du numérique et de la digitalisation, les débats devant les juridictions du travail voient apparaître de nouvelles sources de preuve dont il appartient aux juges de traiter de leur recevabilité.


L’enjeu est réel puisque si la preuve est écartée des débats, le bien-fondé même de la demande peut également être écarté lorsque cette preuve constitue l’unique moyen de démontrer la véracité des demandes formulées devant la juridiction. 


Ces éléments de preuve peuvent aussi bien concerner des faits justifiant le prononcé d’un licenciement pour faute, une situation de harcèlement moral ou sexuel ou encore la tenue de propos déplacés.

 

Rappel des principes applicables 


Il n’existe pas de disposition spécifique dans le Code du travail régissant la recevabilité de la preuve prud’homale.


Il est donc fait application des principes généraux édictés par le Code de procédure civile (V. notamment les articles 6 et 9 du CPC).


Il en résulte que la preuve en matière prud’homale est libre, ce qui signifie que la loi n’impose pas aux parties de présenter un mode de preuve spécifique et qu’elle laisse les juges apprécier souverainement les éléments de preuve présentés, sans leur commander la conséquence qu'ils doivent en tirer. 


Des limites à cette liberté de la preuve ont néanmoins été posées par la jurisprudence, laquelle a notamment édicté un principe général de loyauté de la preuve en droit privé (Cass. ass. Plén., 7 janv. 2011, n° 09-14.316).


En application de ce principe, dès lors qu’un moyen de preuve est considéré comme illicite, il doit être rejeté des débats (Cass. soc. 4 février 1998, n° 95-43.421). C’est en application de cette jurisprudence que toute preuve issue d’un dispositif de géolocalisation ou de télésurveillance qui n’avait pas été porté à la connaissance du salarié ne pouvait fonder une mesure de licenciement.


On peut néanmoins constater que depuis 2020, la jurisprudence a infléchi sa position en la matière, puisqu'aujourd'hui un mode de preuve déloyal et illicite peut être valablement versé aux débats sans qu'il soit rejeté par le juge. Cet infléchissement a été rendu possible grâce à l'application d'un contrôle de proportionnalité faisant prévaloir le droit à la preuve sur d'autres droits et libertés fondamentaux.

 

Un infléchissement constaté de la jurisprudence depuis 2020


De nombreuses décisions récentes sont venues admettre la recevabilité de preuves en recourant au test de proportionnalité, consistant à mettre en balance le droit à la preuve de l'employeur ou du salarié et leurs droits et libertés fondamentaux.


Ont ainsi été admis comme modes de preuve sur ce fondement :

 

  • Des éléments extraits du compte Facebook privé d’un salarié dès lors que cette production a été rendue indispensable par l’exercice de son droit à la preuve (Cass. soc. 30 septembre 2020, n° 19-12.058) ;

 

  • La collecte d'adresses IP non déclarées préalablement à la CNIL (selon le régime antérieur au RGPD) (Cass. soc. 25 novembre 2020, n° 17-19.523) ;

 

  • Une enquête externe de harcèlement moral réalisée à l'insu du salarié visé par la plainte et sans que celui-ci n'y participe (Cass. soc. 17 mars 2021, n° 18-25.597) ;

 

  • Une conversation enregistrée par un salarié à l'insu de son employeur, dans la mesure où il s’agissait d’une conversation entre le salarié et l’employeur, dans un cadre professionnel, avec un objet professionnel, aux termes de laquelle l’employeur se livre à des confidences utiles aux prétentions du salarié, sans pour autant qu’il en résulte un préjudice pour son interlocuteur (CA Bourges, 26 mars 2021, n° 19/01169) ;

 

  • Un système de badgeage n'ayant pas été déclaré à la CNIL (selon le régime antérieur au RGPD) et pouvant permettre un contrôle de l'activité des salariés (CA Versailles, 3 juin 2021, n° 18/01905) ;

 

  • L'utilisation d’un système de vidéosurveillance dans une pharmacie ouverte au public et particulièrement exposée à des risques d'agression ou de vol, mais n'ayant pas fait l'objet d'une consultation des représentants du personnel (Cass. soc., 10 novembre 2021, n° 20-12.263).


A l’inverse, la Cour de cassation a rejeté des enregistrements issus d’une vidéosurveillance mise en place par l’employeur au motif que le dispositif était attentatoire à la vie privée du salarié et disproportionné au but recherché de sécurité des personnes et des biens (Cass. Soc. 23 juin 2021 n° 19-13.856). Dans ce cas d’espèce, la caméra surveillait constamment le salarié qui travaillait en cuisine, seul.


Les juges du fond doivent ainsi se prêter à une appréciation in concreto de la situation de fait afin de déterminer de la recevabilité ou non d’un élément de preuve versé aux débats.

 

Les conséquences de ces évolutions sur les conditions de recevabilité de la preuve prud’homale


Ces évolutions jurisprudentielles visant à faire application d’un test de proportionnalité dans le droit à la preuve prud’homale imposent d’adopter une nouvelle méthodologie pour déterminer si une preuve est susceptible d’être retenue, ou non, par les juges :


1.    Déterminer si le moyen grâce auquel la preuve a été obtenue répond aux exigences de loyauté (savoir par exemple si la preuve a été obtenue par un stratagème ou un système non conforme aux dispositions légales) ;

2.    Identifier les droits en opposition : plus précisément, le droit à la preuve contre un autre droit fondamental (il s’agira le plus souvent du droit à la vie privée) ;

3.    Déterminer si le droit à la preuve justifie une atteinte à cet autre droit fondamental auquel il s'oppose. Cette analyse nécessite de démontrer que la production de la preuve illicite est indispensable à l'exercice du droit à la preuve et que l'atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi.

 

Une vigilance particulière doit donc être apportée à ces évolutions majeures encouragées par l’accroissement des moyens de preuve digitaux puisque le succès d’une action en justice en dépend.


En effet, sous réserve de respecter les exigences de proportionnalité précitées, une conversation enregistrée à l’insu de l’employeur pourrait être utilisé comme moyen de preuve, de même que des images issues d’une caméra de vidéosurveillance pourrait servir à démontrer la faute d’un salarié.
 

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