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Congés payés : quelles nouveautés ?


Par une série d'arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation écarte certaines dispositions du droit français non conformes au droit européen en matière de congés payés et ouvre de nouveaux droits en faveur des salariés.

 

Quelles contradictions entre le droit français et le droit européen ?


Le droit à congés payés est un principe essentiel du droit communautaire, visé notamment par l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.


Selon le droit européen, la finalité du droit à congés payés est, d’une part, de permettre aux travailleurs de se reposer par rapport à l’exécution des tâches leur incombant, et d’autre part, de disposer d’une période de loisirs et de détente. 


La finalité est donc différente de celle du droit à congé maladie qui est de permettre au salarié de se rétablir d’une maladie engendrant une incapacité de travail (CJUE, arrêt du 10 septembre 2009, Vincente Pereda, C-227/08).


Ainsi, s’agissant de l’acquisition des droits à congés payés, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé maladie, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. 


Il s'ensuit que le droit au congé annuel payé ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C-350/06 ; CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10).


Or, en droit français, l’article L. 3141-3 du Code du travail subordonne le droit à congés payés à l'exécution d'un travail effectif. Il résulte par exemple de cette disposition qu’en cas d’absence pour maladie non professionnelle, le salarié n’acquiert pas de congés payés.


Cette règle est contraire au droit de l'Union européenne.

 

Quelles mises en conformité du droit français avec le droit européen ?


Par quatre arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et juge désormais que : 

 

  • Les salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'une maladie, que celle-ci soit d'origine professionnelle ou pas, continuent à acquérir des droits à congés payés durant cette période (Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-17.340) ;


La Cour écarte l’application des articles L. 3141-1 et L. 3141-5 du Code du travail qui prévoient qu’en dehors des périodes assimilées à du temps de travail effectif par la loi ou la convention collective, les périodes de suspension du contrat ne permettent pas l’acquisition de nouveaux droits à congés.


Désormais, la prise en compte des arrêts maladie dans l’évaluation des droits à congés est sans condition.

 

  • L'acquisition de congés payés en raison d'une maladie ou d'un accident professionnel n'est pas limité à un an (Cass.soc. 13 septembre 2023, n°22-17.638) ;


La Cour de cassation écarte l’application de l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail qui limite à une durée d’un an la période de suspension du contrat pour AT/MP assimilée à du temps de travail effectif permettant l’acquisition de droits à congés payés.


La Haute Juridiction supprime ainsi la limite temporelle d’une année.

 

  • A l'issue d'un congé parental d'éducation, les congés payés précédemment acquis doivent être reportés (Cass.soc. 13 septembre 2023, n°22-14.043) ;


Selon une jurisprudence antérieure, les congés payés acquis avant le départ en congé parental étaient perdus si le salarié ne les avait pas pris avant la fin de la période de référence (Cass.soc. 28 janvier 2004, n°01-46.314).


Ici encore, la Cour de cassation s’aligne avec la jurisprudence de la CJUE et reconnait la conservation et le report des congés payés acquis à la date du début du congé parental après la date de reprise du travail.

 

  • La prescription de ce droit ne court qu'une fois que l'employeur a mis le salarié en mesure d'exercer ses droits à congés payés (Cass.soc. 13 septembre 2023, n°22-11.106).


En application de l’article L. 3245-1 du Code du travail, le versement de l’indemnité de congés payés est limité à la prescription triennale.


Cette prescription a pour point de départ l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient dû être pris (Cass.soc. 14 novembre 2023, n°12-17.409).


Par son arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de Cassation ajoute une condition au départ de la prescription en énonçant : « dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé ».


Ainsi, seul l’accomplissement de ces diligences par l’employeur permettra désormais d’ouvrir l’ouverture du délai de prescription triennal. 


Selon les auteurs, la solution retenue dans cet arrêt devrait être applicable aux congés payés, quelle que soit leur source juridique (légale ou conventionnelle). 

 

Quelles conséquences pratiques ?


Contrairement à la loi, la jurisprudence a un effet rétroactif, à moins que le juge n’en dispose autrement.

 

Ainsi, lorsque la Cour de cassation ne précise pas l’impact temporel de sa décision, celle-ci est susceptible d’établir des droits pour le passé.


L’interprétation des auteurs de doctrine sur cet impact temporel qu’a entendu donner la Haute Juridiction à ses arrêts divergent néanmoins.


En effet, certains auteurs considèrent que le dernier arrêt relatif à la prescription (n°22-11.106) n’aura pas d’effet rétroactif car la Cour de cassation indique « Il y a donc lieu de juger désormais … ». A l’inverse, d’autres auteurs ne relèvent aucune limitation temporelle.


A ce jour, la portée de ces décisions est ainsi encore largement incertaine s’agissant des congés payés acquis par les salariés au titre des arrêts maladie antérieurs à ces revirements de jurisprudence. 


Une chose est sure : les situations permettant aux salariés de revendiquer le bénéfice de ces revirements devront encore être précisées.


Peut-être par le législateur, à qui il appartient de modifier les dispositions concernées du Code du travail pour garantir la cohérence des textes avec ces nouvelles jurisprudences. 


En tout état de cause, il est certain que ces décisions sont aujourd’hui source d’insécurité juridique pour les entreprises et qu’elles entraîneront des répercussions financières importantes.


Il ne peut ainsi qu’être conseillé de faire un état des lieux des arrêts de travail en cours, de commencer à quantifier le coût d’un éventuel rattrapage et surtout de faire application dès maintenant et pour l’avenir de ces nouvelles jurisprudences.


Il est également conseillé d’auditer son mode d’organisation des congés payés et d’informer les salariés de leur droit à congés payés afin de les mettre en mesure de les prendre, de sorte à pouvoir leur opposer la prescription.


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